Burrito d'Emilie Panisset



Éditeur : Mon petit éditeur — Nb de pages : 102
Série : / 
Catégorie : Contemporain


Émilie Panisset est auteure et traductrice. 


Composé comme un puzzle, Burrito nous entraîne dans un village de l'Amazonie péruvienne à travers le portrait d'un homme, un borracho, (un ivrogne) risée du village, souffre-douleur de ses concitoyens dont le destin va peu à peu se révéler à nous. Canevas tressé par quatre voix – dont la sienne, qui ouvre le roman –, ce sera au lecteur de replacer chacune des pièces afin de voir apparaître le portrait dans son ensemble. Un roman qui, sans jamais traîner, avance à pas lourds sous le soleil implacable de l'Équateur. Et ce n'est pas là la moindre de ses réussites.






Ce livre m'a été offert par les éditions Mon petit éditeur, que je remercie pour les nombreuses découvertes au fil des jours.


El burrito ? qui est-il  ? Pourquoi un homme accepte-t-il de porter un surnom si peu sympathique ? Et bien, c'est ce que ce livre nous offre, l'histoire d'un homme et à travers lui, d'une région, de ses mœurs...


Ce livre se décompose en quatre parties distinctes, narrant chacune à la première personne, la vie d'hommes et de femmes vivant dans un bourg perdu d'Amazonie. Chacun à sa façon, ils nous entraînent dans une intrigue, assez simple, au final, mais racontée pas à pas, avec des histoires d'hommes, d'alcool, de vie. Un passé, un présent, peu d'avenir.

À travers ces mots, l'auteure conte les maux d'un pays pauvre, ceux de femmes abusées, battues, par des maris ivres et machos.
« Les coups que je recevais me donnaient le sentiment d'être sale, indigne de l'image que j'avais de moi-même. J'écoutais mes amies, je riais avec elles, mais je ne faisais aucune révélation. Quand elles me demandaient et toi Rosalia, ton mari ? je haussais les épaules, et elles respectaient mon silence. » (41)
De l'alcool qui coule à flots, emportant les idées. De la mémoire qui flanche. Des vies consumées, bues douloureusement, verre après verre, avec les sentiments de n'être plus rien, plus qu'un soiffard sans avenir. C'est triste, c'est bien écrit, c'est une dure réalité. Car les deux hommes de ce roman plongent dans cet univers liquide, et s'enfoncent dans les méandres de leur mémoire, acceptant leur sort d'ivrogne, de pauvres gars, et devenant conscients qu'ils ne pourront pas fuir. C'est trop tard.

« Un phénomène étrange se fait jour en moi. Bien que ce pays commence à me tuer, je m'aperçois que je l'ai dans la peau, comme si j'avais été contaminé intoxiqué par un virus violent qui me clouerait sur place. Chaque jour, l'impression terrifiante que l'Amazonie va être mon tombeau devient évidente, et des sentiments contradictoires m'étreignent. Je me sens à la fois tétanisé par une peur ignoble et rassuré à l'idée que je vais rester là, que personne ne retrouvera ma trace, que je vais disparaître de la surface de la terre comme la fumée qui s'élève au ciel. »(63)
Alors, bien sûr, l'ensemble cache sous les personnages présentés, leur vie, leur rencontre, une intrigue. Une toute petite intrigue, prétexte à ce livre et qui n'a que peu d'importance. C'est l'ambiance, les mots, le ton donné qui crée la beauté du texte. Chaque protagoniste use de son propre langage, avec une constance, pourtant, et une utilisation de mots et de sentences répétées. Je regrette qu'il n'y ait pas plus de personnalisation des parties, avec, par exemple, un langage plus soutenu pour le professeur. L'auteure l'a tenté, on sent une envie, par moment de se détacher d'un langage assez cru, imposé par des mots choisis pour traduire la dureté de la situation. Mais bien vite le tout se noie. Les mots redeviennent les mêmes.

Attention, c'est pourtant un très beau travail et l'ensemble se lit aisément, rapidement, avec une envie de tourner les pages, de connaître le devenir de ces gens. L'alternance de phrases courtes, de mots uniques, isolés, et de phrases un peu plus longues donne un réel souffle à la lecture. C'est assez poétique, bien que le choix des mots, parfois assez crus, donne à d’autres moments la sensation d'un texte jeté avec haine et colère.

« La lune devait connaître mes desseins secrets. C'est une sorcière, elle lit dans les pensées des hommes dès qu'ils sombrent dans le sommeil. Durant dix longues nuits, je n'ai pas aperçu un sel de ses quartiers. Rien. Nada. Elle semblait avoir déserté notre galaxie. » (30)
Mon autre regret concerne les dialogues totalement absents du livre ! Cela donne une sensation assez lourde, sans reprise de souffle. Cela m'a surtout dérangé dans la dernière partie.


Je ne vais pas détailler les personnages, car cela dévoilerait l'intrigue. Deux hommes et deux femmes racontent, d'autres personnages apparaissent au fil des mots. Et l'on apprend la vie du Burrito au travers des écrits des autres, plus qu'au travers du sien, pourtant censé être une confidence.


Le temps est assez flou, ce qui est volontaire. Les histoires s'imbriquent, et l'on comprend au fil des pages la chronologie réelle de l'ensemble.

Les lieux sont assez détaillés, la misère transpire des pages du livre, et l'Amazonie perd un peu de sa superbe...


Les mots pour : style évident, sujets forts : alcoolisme, femmes battues, misère.

Les mots contre : manque d'intrigue véritable, style trop peu marqué pour chaque protagoniste.

Notation : 14/20



Très belle écriture en quatre tonalités, pour quatre voix. L’intrigue est un peu maigre, mais grâce au jeu des narrations différenciées elle devient intéressante. Le tout manque un peu de souffle, tout de même.

2 commentaires :

Unchocolatdansmonroman a dit…

le sujet semble à la fois délicat et intéressant. Dommage que l'écriture n'ait peut-être pas su l'exploiter à fond. je note tout de même cette lecture ;) merci pour la découverte

nanet a dit…

L'écriture est bonne mais s'essouffle vers le milieu du livre, ce qui est bien dommage. La fin est un peu moins "bonne" que le début.

 

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